S'absenter.
La buée s'est accrochée aux carreaux de la fenêtre.
Ma main passée sur la vitre en un geste de peintre fait pleurer le verre.
La paume humide et fraiche, je regarde dans le fond de la cour danser une boule blanche.
Un sac monte, descend, tourbillonne et caresse le sol.
Il semble se gonfler de vie.
Méduse perdue dans les airs.
La pluie entame une douce percussion.
Je sais la puissante carnassière des tempêtes d'Ouessant, l'océan transformé en ondes géantes.
La masse sombre ébouriffée.
La puissance à l'état pur éclatée magistralement en millions de diamants par une roche lapidaire.
Je sais ces bombes aquatiques qui vaporisent dans l'air le doux parfum des algues.
Leur chant percussif mêlé au vent horizontal transperce les tympans.
Je sais la vie des profondeurs qui se cache dessous et qui suit sereinement le mouvement.
Loin du dehors et du spectaculaire, le monde d'en bas ondule ses couleurs.
Chers amis, pardonnez-moi mais je dois m'absenter.
Je m'en vais voir ce pays où le ciel se déchire, où les douches célestes plongent sur des fonds aux palettes dansantes.
Je m'en vais voir ce royaume où les méduses sont reines.
Laurent ROBIN